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Entretien du SnuiPP

Les hommes et les femmes évoluent vers davantage de partage

jeudi 5 novembre 2009, par philzard

- L’homme d’aujourd’hui a-t-il perdu sa virilité ?

Pour comprendre la masculinité aujourd’hui, il faut voir sur quoi elle se fondait et sur quoi elle continue à se fonder : la domination des hommes sur les femmes qui, sous prétexte d’une asymétrie dans l’ordre de la nature, est imprimée dans l’ordre de la culture. Toute la virilité s’est jouée pendant des siècles autour du patriarcat dans le pouvoir du père sur son épouse et sur ses filles. Et ce qui en bouscule les codes, c’est la montée en puissance de l’égalité entre les hommes et les femmes, imparfaite mais en progression, et l’indépendance des femmes vis-à-vis des hommes.

- Est-ce la manière d’être un homme qui a changé ?

Être un homme ou être une femme ne signifie rien en soi. Ce qui est signifiant, c’est la relation entre les sexes. Aujourd’hui, plus qu’avant, le masculin va se définir du côté de l’écoute, du partage, d’une certaine expression de soi, d’une certaine forme d’empathie avec l’autre, donc plus du côté de quelque chose qui a à voir avec l’intimité et le partage entre les sexes qu’avec le partage des rôles et des territoires et la domination. Ceci change toute la façon dont les hommes se regardent eux-mêmes. Un homme va se sentir davantage un homme aujourd’hui dans nos sociétés en développant un certain nombre de caractéristiques qui autrefois étaient qualifiées de féminines et en abandonnant une position de domination.

- Est-ce une mutation des relations entre les sexes ?

Très certainement, les hommes et les femmes évoluent ensemble vers davantage de partage et de similitude dans leur construction psychique même et dans la façon dont ils appréhendent le monde. Les pionnières de l’émancipation féminine ont été très critiquées « elles ne sont plus féminines, elles ne seront pas de bonnes mères », disait-on. L’histoire a au contraire montré que les femmes non seulement n’ont rien perdu mais ont été dans un gain identitaire. Aujourd’hui le mouvement est similaire pour les hommes, ils seraient « devenus des lavettes » mais on a encore du mal à le voir du côté du gain identitaire.

- Comment cela influe-t-il sur la construction des filles et des garçons ?

Comment se faisait et continue à se faire la construction des petits garçons et des petites filles ? Par exclusion. Il s’agit de différencier, parfois jusqu’à la caricature, les caractéristiques des uns et des autres pour élever au mieux les filles dans leur destin de fille (l’écoute, l’aide...) et les garçons dans leur destin de garçon (l’affirmation, la défense...) Ces traits se retrouvent encore consciemment ou inconsciemment dans nos sociétés mais ils sont critiqués, ils posent question. Dans ce mouvement où on demande aux filles de se débarrasser de toute une part « masculine » et aux garçons de toute une part « féminine », on continue à conduire les garçons dans le dénigrement des filles et les filles dans la crainte des garçons.

- Les choses sont-elles équivalentes pour les filles et les garçons ?

Même si c’est assez récent, les filles aujourd’hui doivent bien travailler à l’école pour avoir un métier et être autonomes. Par contre chez les petits garçons, l’aspect plus sensible, plus féminin fait beaucoup plus peur. Ce qui s’est estompé dans la peur de la masculinisation des filles est très présent dans la peur de la féminisation des garçons. Sans doute parce qu’après 5000 ans de tradition judéo-chrétienne et de patriarcat, l’idée de la supériorité du masculin sur le féminin est encore vivace.

- Quelle attitude avoir en tant qu ’éducateur ?

Dans ce mouvement de la société autour de l’égalité des sexes, quelque chose devient plus fluide entre les garçons et les filles. Je ne dis pas qu’« il faut élever garçons et filles exactement pareil, arracher les poupées aux filles et les camions aux garçons ». Il y a des différences fondamentales entre les garçons et les filles de par la nature même de leur corps, de leurs hormones, mais aussi de l’image inconsciente de leur corps que très vite les enfants développent, de la gestion des émotions et de l’agressivité. Mais comment la culture que l’on propose va-t-elle amplifier ces différences pour justifier une domination entre les sexes ou au contraire les civiliser au nom d’un principe de partage et d’égalité ? La seule attitude cohérente est d’apprendre le respect entre les sexes en évitant toujours tout dénigrement.

P.-S.

Propos recueillis par Daniel Labaquère pour Fenêtres sur Cours, SNUIPP, 2009

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