Le plafond de verre (glass ceiling) est une expression apparue aux États-Unis à la fin des années 1970 pour désigner l’ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies professionnelles. La métaphore, si elle n’explique pas le phénomène, a au moins le mérite d’être parlante : tout se passe comme si un plafond invisible empêchait les femmes de grimper les échelons.
Plus largement, l’expression « plafond de verre » est aussi pertinente pour tout emploi où ily a possibilité d’une évolution de carrière. La question est alors de comprendre ce qui, à compétences égales, contrarie la progression professionnelle des femmes par rapport à celle des hommes. Cette inégalité des chances est devenue depuis une quinzaine d’années un axe de réflexion important dans la recherche (en particulier en sociologie du travail et des organisations, et dans les études sur le genre), mais aussi dans le champ politique, national, européen ou international, dans le cadre de la lutte contre les discriminations.
On ne compte plus les rapports publiés par les pouvoirs publics ou les entreprises sur les inégalités de carrière entre hommes et femmes. Parce que les obstacles sont de plus en plus visibles mais tout aussi lourds, la sociologue Catherine Marry préfère pour sa part parler de « ciel de plomb » pesant sur les carrières féminines. Les femmes sont de plus en plus diplômées mais aussi de plus en plus présentes dans les professions qualifiées.
Néanmoins les statistiques mettent en évidence une forte prépondérance masculine aux postes de pouvoir et de décision. En France, les chefs des moyennes et grandes entreprises sont à 93 % des hommes. Début 2008, il n’y avait que 7,64 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés du Cac40. Si le nombre de femmes dans les postes d’encadrement varie beaucoup d’un pays à l’autre, elles restent dans tous les cas très largement minoritaires dans les postes de direction. Aux États-Unis, par exemple, alors qu’elles représentent tout de même 45 % des cadres et managers, elles ne constituent que 5% des cadres dirigeants.
Les Philippines sont le seul pays à compter autant de femmes que d’hommes dans les fonctions d’encadrement, mais elles restent minoritaires dans les postes de direction. Fin 2005, les femmes ne représentaient en France que 7% des préfets, 14% des recteurs et 6 % des dirigeants de juridictions nationales (Cour de cassation, Conseil d’État, Cour des comptes). Depuis 2007, l’Assemblée nationale compte 107 femmes pour 577 places.
Malgré la loi sur la parité, en 2008, il y a 91,5% d’hommes maires dans les villes de plus de 3500 habitants..., et 86,9% d’hommes conseillers généraux. Un rapport de la Commission européenne (« Women and men in decision-making 2007 - Analysis of the situation and trends ») montre que la proportion des femmes parmi les parlementaires nationaux a augmenté : elle est passée de 16 % en 1997 à 24% en 2007. Mais aucune banque centrale des 27 pays membres de l’Union européenne n’est dirigée par une femme.
En 2001-2002, l’université française compte environ 15% de femmes parmi les professeurs de l’enseignement supérieur et 38% parmi les maîtres de conférence, ce qui la place derrière le Portugal mais devant la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas (dans ce pays en 1998, 5% de professeurs et 7% dans ce qui correspond à nos maîtres de conférences). Un plafond de verre que l’on retrouve dans la recherche.
D’après l’Insee, en 2005, alors qu’elles comptent pour 45% de la population salariée, les femmes représentent 25,4% des cadres dans le privé et semi-public et le salaire de leurs homologues masculins est en moyenne supérieur de 26,7%. Les femmes cadres ont souvent moins de responsabilités, gèrent habituellement des équipes plus restreintes et sont cantonnées dans certains types de poste, par exemple les ressources humaines ou la communication considérées comme valorisant des compétences relationnelles plus « féminines ». Et même quand leur carrière est au début similaire aux hommes, elle tend à patiner, en particulier autour de l’âge de 35 ans
Article en Juillet 2008 dans Sciences humaines n° 195