EDU RESPECT.fr.ht

Trouble dans le genre, conclusions de Judith Butler

mercredi 28 août 2013, par philzard

Il ne faudrait pas concevoir le genre comme une identité stable ou lieu de la capacité d’agir à l’origine des différents actes ; le genre consiste davantage en une identité tissée avec le temps par des fils ténus, posée dans un espace extérieur par une répétition stylisée d’actes.

- L’effet du genre est produit par la stylisation du corps et doit donc être compris comme la façon banale dont toutes sortes de gestes, de mouvements et de styles corporels donnent l’illusion d’un soi genre durable. Cette façon de formuler les choses extrait la conception du genre d’un modèle substantiel de l’identité au profit d’une conception qui le voit comme une temporalité sociale constituée.

- De manière significative, si le genre est institué par des actes marqués par une discontinuité interne, alors l’ apparence de la substance consiste exactement en ceci : une identité construite, un acte performatif que le grand public, y compris les acteurs et actrices elles/eux-mêmes, vient à croire et à reprendre [perform] sur le mode de la croyance. Le genre est aussi une norme que l’on ne parvient jamais entièrement à intérioriser ; l’« intérieur » est une signification de surface et les normes de genre sont au bout du compte fantasmatiques, impossibles à incarner.

- Si le fondement de l’identité de genre est la répétition stylisée d’actes et non une identité qui fonctionne apparemment sans interruption, alors la métaphore spatiale du « fondement » sera évincée et se révélera être une configuration stylisée, même un mode genre sur lequel le temps prend corps. On verra alors que la permanence d’un soi genre est structurée par des actes répétés visant à s’approcher de l’idéal du fondement substantiel pour l’identité, mais qui, à l’occasion de discontinuités, révèlent l’absence, temporelle et contingente, d’un tel fondement. Il convient précisément de chercher les possibilités de transformer le genre dans le rapport arbitraire entre de tels actes, dans l’échec possible de la répétition, toute déformation ou toute répétition parodique montrant combien l’effet fantasmatique de l’identité durable est une construction politiquement vulnérable.

- Or si les attributs de genre ne sont pas « expressifs » mais performatifs, ils constituent en effet l’identité qu’ils sont censés exprimer ou révéler. La différence entre « expression » et performativité est cruciale. Si les attributs et les actes du genre, les différentes manières dont un corps montre ou produit sa signification culturelle sont performatifs, alors il n’y a pas d’identité préexistante à l’aune de laquelle jauger un acte ou un attribut ; tout acte du genre ne serait ni vrai ni faux, réel ou déformé, et le présupposé selon lequel il y aurait une vraie identité de genre se révélerait être une fiction régulatrice.

- Si la réalité du genre est créée par des performances sociales ininterrompues, cela veut dire que l’idée même d’un sexe essentiel, de masculinité ou de féminité — vraie ou éternelle —, relève de la même stratégie de dissimulation du caractère performatif du genre ri des possibilités performatives de faire proliférer les configura lions du genre en dehors des cadres restrictifs de la domination masculine et de l’hétérosexualité obligatoire.

- Les genres ne peuvent être ni vrai ni faux, ni réalités ni simples apparences, ni des originaux ni des imitations. Dans la mesure où l’on porte de manière crédible ces attributs de genre, on peut les rendre vraiment et absolument incroyables.

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0