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Depuis le blog de Serge Hefez

Des ados homos à repérer ?

samedi 22 mars 2008, par philzard

samedi 22 mars 2008

- L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions. J’ai rencontré l’autre jour une infirmière scolaire tout à fait dévouée au bien-être de ses ouailles adolescentes, investie plus qu’une autre dans l’écoute et la prévention.

- Très au fait de la diffusion préoccupante des comportements à risque et des tentatives de suicide chez les 16-25 ans, elle ne ménage pas ses efforts pour recevoir et informer. Elle m’entend un jour parler à la radio des conduites suicidaires particulièrement alarmantes chez les jeunes homosexuels : ils ont, selon les études, trois à sept fois plus de risques de faire une tentative de suicide.

- Comment repérer ces jeunes, me questionne-t-elle, afin de mieux les aider à surmonter ce passage difficile de l’adolescence ? Cette demande innocente de « repérage » partant d’un si bon sentiment m’a pour le moins interloqué ! Identifier les ados homos, se mettre à leur écoute pour surmonter ce « douloureux problème » comme le disait en son temps l’inénarrable Ménie Grégoire… pourquoi pas leur mettre une étoile rose, me suis-je demandé.

- Le raisonnement est pourtant limpide : ces ados se suicident, donc ils ont des problèmes, donc il faut les aider, donc il faut les localiser. Et il est tellement de notre temps : se focaliser sur les individus plutôt que sur les conditions environnementales qui induisent une problématique. Si les ados homosexuels, ou ceux s’interrogeant sur leur orientation sexuelle, sont en souffrance, c’est que l’homophobie ambiante, le rejet, l’insulte, la ségrégation, la normopathie, l’adhésion aux stéréotypes battent leur plein à cette période où les adolescents sont en pleine construction identitaire. Un garçon complexé ou efféminé, une fille trop virile, vont subir de plein fouet des discriminations, même s’ils n’ont aucune attirance pour ceux de leur sexe.

- Tant que l’Education nationale n’aura pas pris la mesure de l’ampleur du phénomène et permis aux associations compétentes de faire un travail de fond, non pas tant sur la question homosexuelle à proprement parler, que sur la violence que subissent tous les ados, hétéros ou homos, qui dévient par rapport aux stéréotypes de genre, les choses n’avanceront pas beaucoup. Les garçons qui rejettent certains critères de la virilité, les filles trop délurées, ou simplement ceux qui sont trop gros, trop pas habillés comme il faut, trop pas pareils comprendront. C’est l’adhésion du groupe à la norme, la « normopathie » qui tue les adolescents homosexuels, pas leur orientation ou leurs particularités psychiques.

- Depuis des années, l’Inter-LGBT invite les organisations syndicales du monde éducatif et étudiant, les associations de parents d’élèves, à se mobiliser pour lutter contre les discriminations. Jusqu’à présent, l’homophobie n’a été abordée que de manière allusive dans les circulaires officielles et les outils pédagogiques traitant de la sexualité, qui véhiculent en outre de nombreux préjugés.

- Je souligne tout ceci parce que justement Roselyne Bachelot, ministre de la santé de la jeunesse et des sports, a présenté en conseil des ministres une série de mesures « visant à mieux protéger la santé des jeunes, principalement de 16 à 25 ans, et à répondre à leur besoin d’autonomie et de responsabilité ».

- Ce plan prévoit notamment :

- la lutte contre les pratiques addictives, avec entre autres la mise en cohérence de la législation actuelle sur la vente de boissons alcoolisées aux mineurs.
- des habitudes nutritionnelles plus équilibrées, en favorisant un environnement propice, notamment en matière de publicité, de bonnes pratiques autour des caisses des grandes surfaces, de restauration scolaire, de charte de qualité, en concertation avec les professionnels du secteur et les associations.
- la lutte contre l’anorexie, grâce à une charte qui sera prochainement signée avec les professionnels du secteur de l’image, au renforcement de la protection des mannequins en particulier mineurs par la médecine du travail et l’inspection du travail, ainsi qu’une interdiction de l’apologie de l’extrême maigreur et de l’anorexie dans les médias.
- une campagne « contraception 2008-2009 » qui réponde aux besoins des jeunes non scolarisés dans les quartiers populaires.

- Et enfin, justement, le « repérage » et la prévention de la crise suicidaire, « plus particulièrement chez les jeunes homosexuels ».

Si l’on peut tout à fait se réjouir que cette problématique soit enfin reconnue, une vigilance s’impose sur les conditions de ce repérage. Tous les ados passent à certains moments de leur trajectoire du rôle de bouc-émissaire à celui de bourreau, d’une place de rebelle à celle de gardien de la normalité ; tous subissent la violence de la norme et les contraintes du conformisme. C’est en les réunissant autour d’une lutte commune contre les discriminations liées à toute différence physique, raciale ou sexuelle que l’on pourra le mieux les mobiliser.

• Serge Hefez •

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P.-S.

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