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Est-il trop tôt pour parler d’homosexualité et d’homophobie à l’école

Qu’est ce que l’homophobie ?

Intervention aux universités d’automne 2004 du SNUIPP

lundi 5 septembre 2005, par philzard

Extraits d’une interview après intervention d’Eric Verdier aux universités d’été du syndicat d’enseignant du SNUIPP, parue dans le hors série du journal syndical Fenêtres sur cours.

- Qu’est-ce que l’homophobie ?

- Il en existe trois formes : l ’homophobie active, partie émergée de l’iceberg, est constituée par les moqueries, les insultes, la violence et va parfois jusqu’au meurtre. Elle vise surtout les gays et est surtout le fait des garçons. L ’homophobie passive, partie immergée de l’iceberg, nie l’existence de l ’homosexualité en voulant imposer l’ordre hétérosexuel. On demande par exemple aux petites filles « qui est ton amoureux ? ». Cette négation est source de grande souffrance pour les jeunes homosexuels, car elle nie leur amour. Enfin, il y a l’homophobie de détournement, celle qui consiste, tout en s’affirmant ouvert sur la question, à stéréotyper les homosexuels en les enfermant dans des catégories (coiffeurs, danseurs. . .) pour les tenir à distance. De manière générale, il y a une contamination du stigmate qui fait que l’entourage des homosexuels devient aussi victime. C’est pour cette raison que les parents d’enfants homosexuels, désignés comme tels et/ou objets d’agressions homophobes doivent être accompagnés.

- Quelles sont les conséquences de l’homophobie ?

- L’ensemble de ces comportements, prégnants aussi dans l’institution scolaire, a des conséquences très lourdes pour les jeunes concernés qui ne peuvent vivre, ni même parfois dire, ce qu’ils ressentent. Il faut savoir qu’entre 1/4 et 1/3 des jeunes homosexuels tente de se suicider entre 12 et 25 ans, avec un fort pic de vulnérabilité chez les pré-ado. Avant cela, ils adoptent différentes stratégies comportementales dont certaines les mettent particulièrement en danger. Michel Dorais ( Mort ou fif » 2002) en définit quatre types. La première est de devenir le parfait élève, la parfaite amie, toujours prête à rendre service et, bien vu-e par les enseignants et par les parents des copains. Cette stratégie s’accompagne souvent d’un long refoulement de la sexualité qui va rendre d’autant plus fragile lors du premier amour ou de la première rupture. La seconde stratégie est celle d’être, depuis très jeune, aux yeux des autres « le garçon manqué » ou « le pédé » de service. Celui ou celle, qui s’habitue à faire rire et intègre l’homophobie ambiante. Ces jeunes-là assument leur homosexualité tôt mais adoptent vite des conduites à risque s’ils ne sont pas protégés. Le troisième type de stratégie, qui consiste à la fois à accepter son homosexualité et à combattre les attitudes homophobes, est plus rare et se rencontre dans les milieux plutôt citadins et ouverts culturellement. Enfin, la quatrième stratégie, celle du caméléon, est à la fois dangereuse et difficile à cerner. C’est celle qui conduit à être le plus homophobe des homophobes, à faire à l’autre ce qu’on essaie de tuer en soi-même parce qu’on a appris à le sentir sale et monstrueux. Aussi, en même temps qu’il faut sanctionner les actes homophobes, il est besoin d’accompagner ceux qui les commettent.

- Est-il déjà possible à l’école primaire de lutter contre l ’homo phobie, et comment ?

- C’est non seulement possible mais nécessaire car nos études montrent que près de 90 % des jeunes homosexuels déclarent s’être sentis « différents » dès l’âge de 8 ans. Il est donc indispensable que l’environnement scolaire sanctionne, sans détours, les actes homophobes. Attaquons-nous déjà à l’homophobie active, à savoir les insultes et les coups, en mettant fin à l’impunité de leurs auteurs. Aujourd’hui l’école ne réagit pas comme elle le fait pour les insultes racistes. La loi va l’y obliger et ce sera un pas important. Lorsque sera reconnue la possibilité pour des enfants ou des adultes de l’école d’être personnellement touchés par ces attaques, ils se sentiront suffisamment protégés pour pouvoir en parler. Sachons aussi que l’accumulation de plusieurs facteurs minoritaires (origine étrangère, handicap physique, homosexualité. . .) augmente la vulnérabilité à l’ostracisme ou à la violence.

- Et comment aborder la question de l’homosexualité, ce n’est pas facile ?

- Il faut absolument commencer par travailler, dès la maternelle, la question du genre. Qu’est ce que le masculin, le féminin ? L’un des multiples éléments sociaux qui définissent une personne sans pour autant la déterminer. Il faut déconstruire les stéréotypes binaires (mâle-homme-papa-hétéro-fort-violent / femelle- femme-maman- hétéro-coquette-passive) et les rôles sociaux de sexes fondés sur la domination masculine qui, de fait, oppresse les deux sexes. Plutôt que des étiquettes de deux couleurs filles/garçons, n’en utiliser qu’une ou même mieux : toutes. En fait, il est décisif de parler de la diversité des individus, de conjugalité et de la parentalité. Distinguer ces deux derniers termes me paraît très important. La conjugalité concerne deux individus qui vivent une relation de couple. La parentalité est souvent, plus large et complexe. Il faux de dire que le modèle familial classique explose, sortons du néolithique ! Toutes les formes ont toujours existé, opprimées et cachées : enfants hors mariage, séparation, homosexualité, recomposition. Il faut les reconnaître aujourd’hui pleinement, les éclaircir pour les comprendre. Un enfant a toujours, nécessairement, deux parents biologiques de sexes différents. Puis il peut avoir un ou des parents de substitution. lorsque l’un ou les deux ne sont plus là. Il peut aussi avoir des parents "additifs" issus de la recomposition du couple parental d’origine. Chacun de ces parent devrait d’ailleurs se voir reconnus et codifiés des droits et des devoirs vis-à-vis de l’enfant. Quels que soient leurs sexes. C’est pour ces raisons que je préfère parler de co-parentalité et que je rejette le terme d’homoparentalité, que je considère comme homophobe. Et puis la co- parentalité, c’est aussi reconnaître que deux parents valent mieux qu’un, et que renforcer la toute-puissance voire la disqualification d’un seul parent est profondément destructeur pour nos enfants, qu’il s’agisse d’une mère vis-à-vis d’un père, ou d’un parent qui a des droits vis- à-vis de celui qui n’en a pas. Cela nous demande aussi à nous adultes, parents et enseignants, de reconnaître que nous sommes tous, au fond, bisexuels. Même si, le plus souvent, nous avons une prédominance d’orientation, reconnaissons que nos propres ambiguïtés existent, pensons à nos relations dans l’enfance ou l’adolescence. Permettons aux enfants, aux élèves, de se situer dans le champ de la pluralité qui correspond à la réalité, à la vie, pour qu’ils puissent trouver leur propre voie sans s’affronter, se cacher ou se détruire.

- Propos recueillis par Céline Lallemand

- Eric VERDIER est Chargé de mission à la Ligue des Droits de l’Homme, Intervention : Est-il trop tôt pour parler d’homosexualité et d’homophobie à l’école - Publications : « Homosexualités et suicide » avec Jean-Marie FRIDON éd. H&O

- Source : SNUIPP www.snuipp.fr

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