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Traduction d’un dossier pédagogique publié par Klasse

Holebi’s, le dossier homosexualité de "Klasse’

Holebi’s

dimanche 22 avril 2007, par philzard

L’homosexualité à l’école, traduction du dossier "Holebi’s" (Homosexuels, lesbiennes et bisexuels) rédigé par l’équipe de "Klasse", projet de communication du Département de l’Enseignement du Ministère de la Communauté flamande.

Comment aborder la question de l’homosexualité à l’école ? Quels sont les préjugés qui y circulent ? Comment lutter contre les discriminations dont sont victimes élèves et professeur(e)s gays et lesbiennes ? Quelle approche de l’homosexualité au niveau de l’établissement scolaire, de la classe et au niveau individuel ? Témoignages et réactions sont également présentés. http://www.enseignement.be/index.ph...

- Introduction  : Le dossier Holebi’s1 que vous pourrez lire ci-après est la traduction d’un dossier pédagogique paru dans la revue du Département de l’Enseignement du Ministère de la Communauté flamande Klasse voor leerkrachten2 Ce dossier est accessible dans sa version originale sur le site de Klasse3. Il est aussi disponible en version papier dans la brochure4 De eerste lijn, de leerkrachten wijzen de weg5. La traduction du dossier Holebi’s est mise en ligne avec l’aimable autorisation de la rédaction de Klasse.

- Les gays, les lesbiennes et les bisexuel(le)s

Cette contribution ne vise pas à rendre l’homosexualité problématique, tout au contraire. L’homosexualité est un thème comme un autre. Un professeur ne doit pas être homo pour aborder le sujet en classe. Un professeur de géographie ne doit pas être chinois pour faire cours sur la Chine. Mais peut-être ce thème constitue-t-il le test final pour mesurer l’ouverture d’esprit de votre école.

- Au moins un par classe Cinq à dix pour cent des êtres humains sont homosexuels, lesbiennes ou bisexuels. Dans une école de 500 élèves il est donc possible qu’il y ait 50 élèves qui soient gays, lesbiennes ou bisexuel(le)s. Si cette école compte 50 enseignants, cela veut peut-être dire qu’il s’y trouve 5 enseignants LGBT. Les enquêtes montrent qu’une grande majorité des jeunes (et des enseignants) LGBT ne peuvent pas compter sur beaucoup de sympathie au sein de l’école. Ni de la part des élèves, ni de la part des membres du corps enseignant. Ils sont harcelés, ils sont l’objet de moqueries, ils sont insultés ou même menacés physiquement. Un jeune LGBT sur cinq affirme qu’il ou elle s’est fait insulter par les professeurs. Ils en arrivent parfois à douter d’eux-mêmes ou à se retrouver tout à fait isolés. Les tentatives de suicide des jeunes homosexuels sont deux fois plus fréquentes que la moyenne, chez les jeunes lesbiennes c’est jusqu’à cinq fois plus fréquent. 85 pour cent des jeunes LGBT affirment qu’à l’école, ils n’ont reçu aucune information ou des informations erronées sur l’homosexualité. Dans nombre d’écoles on pense encore que l’homosexualité n’existe pas si on n’aborde pas le sujet.

- Veerle, surveillante-éducatrice

« Pas dans une école technique » « De toute ma carrière scolaire, je ne m’étais jamais penchée sur le thème de l’homosexualité. Jusqu’à l’an dernier. Mon fils était à l’époque en dernière année de secondaire. Alors que ses compagnons de classe savouraient pleinement leur dernière année, mon fils devenait de jour en jour plus taiseux et renfermé. Un soir il a tout avoué : depuis des années il ne savait pas quoi faire avec lui-même parce qu’il se sentait plus attiré par les garçons que par les filles. Il n’osait en parler avec personne, même pas avec ses meilleurs amis à l’école. Il avait espéré que le thème soit abordé pendant les cours d’éducation sexuelle ou à l’occasion des journées de la relation. Mais non. J’ai trouvé que dans ce domaine son école ne mettait pas la barre assez haut. Mais après avoir interrogé mes collègues, je me suis rendu compte que dans mon école non plus on ne soufflait mot sur l’homosexualité. Les excuses qu’on trouvait pour ne pas aborder le sujet allaient de « On en sait trop peu sur ce sujet, que vont dire la direction et les parents ? » à « dans une école technique, on ne va quand même pas s’occuper de ça. ». Pourtant c’est nécessaire. Depuis que tout le monde sait que je suis « la mère d’un garçon qui en est », il y a déjà deux élèves qui sont venus me raconter leur histoire. Et pourtant, à l’école, on trouve encore toujours que ce n’est pas nécessaire de consacrer du temps à cela. » Veerle, surveillante-éducatrice

- Quoi ? IL Y A UN PROBLEME ?

- Plus compliqué que de la géométrie Les gens aiment bien cataloguer leurs semblables et leur apposer une étiquette claire. Certaines personnes (selon la culture, la classe sociale et la période de l’histoire) vont plus facilement coller une étiquette que d’autres.
- On peut parler d’homosexualité quand un garçon est amoureux d’un autre garçon et le trouve physiquement attirant ou lorsqu’une fille est amoureuse d’une autre fille et la trouve attirante. Celui qui éprouve aussi bien des sentiments homosexuels qu’hétérosexuels et qui les trouve aussi importants les uns que les autres est bisexuel. On désigne les homos, les lesbiennes et les bisexuels par le mot général d’holebi(s). [personnes LGBT].

- si, sur une règle graduée, on place à gauche les personnes qui éprouvent uniquement des sentiments hétérosexuels et qui ont uniquement des comportements hétérosexuels et à droite les personnes qui éprouvent uniquement des sentiments homosexuels et ont uniquement des comportements homosexuels, il y a encore un grand nombre de personnes que l’on pourra situer entre ces deux extrêmes. On ne peut pas si aisément mesurer sentiments et comportements. La sexualité est nettement plus compliquée que la géométrie. Certaines personnes ont les cheveux noirs ou blonds, d’autres ont les cheveux roux. Cela ne fait pas de ces derniers des êtres totalement différents. De la même manière les homos sont des êtres tout aussi ordinaires que les hétéros. La grande différence c’est qu’il y a moins d’holebis, de la même manière qu’il y a moins de personnes aux cheveux roux que de personnes aux cheveux noirs. C’est culturellement que les êtres humains peuvent promouvoir ou annihiler la diversité. Que fait-on dans votre école ?

- Qui ?
- Un sur dix Cinq à dix pour cent de la population est LGBT. L’homosexualité est présente dans quasi toutes les cultures et à toutes les époques de l’histoire, dans toutes les classes de la société. Les personnes LGBT ne sont pas des extraterrestres. Elles ne vivent pas dans un autre pays. Elles vont par exemple tout simplement à l’école pour y donner ou pour y suivre les cours.

- La cause ?
- Sans importance ! Que l’homosexualité soit innée (héréditaire) ou acquise (par influence de l’environnement) est peu important. Dans les deux cas, il s’agit d’une donnée à laquelle on ne peut rien changer. La question de la cause de l’homosexualité perd tout intérêt à partir du moment où l’on prend conscience du fait qu’il ne s’agit pas d’une maladie.

- Les préjugés

- Pour cause d’aversion. Les homos se comportent de manière efféminée. Les lesbiennes manquent d’élégance et ne sont pas soignées. Les danseurs de ballet, les infirmiers et les coiffeurs sont homos. Les lesbiennes détestent les hommes et les homos détestent les femmes. Les relations homosexuelles ne durent jamais longtemps. Les personnes LGBT n’ont pas d’intérêt pour les enfants… En général ces clichés ne sont pas vrais. Certains de ces mythes sont nés de l’aversion vis-à-vis de l’homosexualité. Ils ne disparaîtront que lorsque la discrimination disparaîtra.

- La discrimination

- Par l’incompréhension Les personnes qui sont différentes, nous les approchons et les traitons souvent de manière différente. Et c’est aussi ce que font les élèves à l’école. C’est parce que nous considérons la vie en communauté avec un regard d’hétérosexuel que les personnes LGBT sont souvent discriminées. Souvent les personnes LGBT sont reléguées au second rang en raison de leur nature par leurs employeurs, par leurs parents, leurs propriétaires, leurs éducateurs, leurs collègues, les forces de l’ordre, leurs professeurs… Pour cette raison, beaucoup de personnes LGBT dissimulent leur nature et la répriment.

- L’homosexualité à l’école

Toute forme de discrimination (personnes défavorisées, roux, immigrants, handicapés, élèves présentant des troubles d’apprentissage) est une injustice. L’égalité des chances doit être une réalité pour les personnes LGBT tant dans la vie en société qu’à l’école. L’école fondamentale comme l’école secondaire ont
- une responsabilité sociale. L’école ne peut agir comme si elle n’était pas concernée par les questions de société. Votre école mène-t-elle une politique d’émancipation et combat-elle les discriminations ? Ou laisse-t-elle la situation telle qu’elle est et l’ignore-t-elle ? Certaines écoles affirment que ce n’est pas leur tâche de jouer un rôle pionnier. Pourtant, il faut défendre l’idée que l’école doit jouer un rôle actif.
- une responsabilité pédagogique. L’école doit autant que possible écarter les obstacles que rencontrent les élèves dans l’apprentissage. Pour la plupart des élèves LGBT, l’angoisse face à l’homosexualité ou la haine de l’homosexualité (l’homophobie) constitue un obstacle important dans l’apprentissage. C’est pourquoi une stratégie pour s’attaquer à l’hostilité anti-homosexuelle doit faire partie du projet pédagogique de l’école.

Les écoles peuvent aider les jeunes gays et lesbiennes à accepter leur homosexualité et à se construire une image de soi positive. Les élèves hétérosexuels sont aussi en droit de recevoir une information correcte et positive à propos de l’homosexualité. C’est ainsi que disparaîtront les nombreux préjugés qui courent dans les groupes d’élèves hétérosexuels.

- L’APPROCHE AU NIVEAU INDIVIDUEL

L’identité homosexuelle en cinq étapes Notre culture considère tout un chacun comme hétérosexuel jusqu’à ce que le contraire soit démontré. Partant, un processus de développement spécifique voit le jour qui entraîne un grand nombre de problèmes et des tâches particulières pour l’école.

- Etape 1 : le trouble de l’identité : le jeune fait l’expérience de quelque chose (une fantaisie, une excitation, parfois déjà un émoi amoureux) qui fait penser à l’homosexualité. Cela ne correspond pas à ses attentes et il ne se sent pas sûr de lui. En outre il sait que c’est un sujet dont on ne parle pas, que « ce n’est pas bien ». Le trouble et l’incertitude sont souvent couplés à une estime de soi négative et à de l’angoisse. Cette phase intervient au moment de l’adolescence pubertaire.

- Etape 2 : le rapprochement identitaire : le jeune se demande ce que cela signifie d’être homosexuel ? Comment peut-on vivre cela ? Qu’est-ce que cela a pour conséquences ? Il va se mettre en recherche d’informations. Le doute refait régulièrement surface. C’est précisément à cause du manque d’ouverture au sujet de l’homosexualité que l’information est difficile à trouver. Parfois, le fait même de chercher l’information est source de grandes angoisses. Les jeunes manquent de modèles auxquels ils peuvent s’identifier. Souvent cette phase est couplée avec un retrait vis-à-vis des autres, un isolement. Le jeune est souvent irritable (il doit solutionner ses problèmes tout seul) et parfois ses résultats scolaires s’en ressentent.

- Etape 3 : la tolérance identitaire : le jeune admet son homosexualité, mais ne l’approuve pas encore. Parfois, le pas vers la reconnaissance est encore trop difficile à faire et le jeune passe par une étape intermédiaire : il se considère comme bisexuel et ne reconnaîtra son homosexualité que plus tard.

- Etape 4 : l’acceptation identitaire : la période la plus difficile est dépassée. Pour la plupart des jeunes, cette étape (et certainement l’étape suivante) a lieu une fois l’enseignement secondaire achevé. L’acceptation identitaire va souvent de pair avec la mise en place d’une fausse identité pour le monde extérieur. L’option d’une double vie demande beaucoup d’énergie et entraîne des grandes frustrations. Et se dévoiler au monde extérieur demande beaucoup d’audace et d’énergie.

- Etape 5 : le coming-out, la manifestation de l’identité : le jeune arrête de se cacher. En classe ou au travail, il peut à présent à nouveau se consacrer à ses études ou à son travail et reparler normalement avec ses compagnons de classe ou ses collègues de travail. Il n’a plus besoin de se tenir sur ses gardes pour ne pas se trahir. (Ce plan en cinq étapes est basé sur des enquêtes auprès de garçons. Il est possible que le développement des jeunes lesbiennes se déroule autrement. Chacun doit trouver la voie qui lui est propre, et cela dépend de la personnalité, de l’entourage et des expériences personnelles.)

- Un/e élève qui veut construire une vie homosexuelle doit donc accomplir un certain nombre de tâches :

- Tâche 1  : donner du sens aux expériences et aux sentiments homosexuels.

- Tâche 2 : garder une image de soi positive. Il doit faire face aux préjugés, surmonter le sentiment d’isolement, combattre son sentiment de culpabilité. Il lui faudra souvent mettre en question les normes et les valeurs qui lui viennent de son éducation et les écarter.

- Tâche 3  : se construire un style de vie comme homosexuel(le).

- Tâche 4 : apprendre comment se débrouiller avec l’homophobie de son entourage et avec le stress qui en résulte.

-  Première aide que peut apporter l’enseignant(e)

- Que faire lorsqu’un élève vient vous raconter qu’elle ou il est homosexuel(le) ?

1. Ne réagissez pas par le rejet, écoutez et faites clairement comprendre à l’élève que d’une manière ou d’une autre il peut s’en sortir. Et qu’il peut compter sur votre discrétion. Un enseignant qui ne se sentirait pas capable d’aborder le problème positivement doit orienter l’élève vers un autre collègue ou vers une autre instance (le CPMS ou un groupe local de jeunes gays et lesbiennes). Soyez prudents en réorientant. Il est en effet possible que l’élève n’ose pas faire le pas suivant.

2. Prenez le temps de vous faire une idée des problèmes. A quelle étape du processus d’identification l’élève se trouve-t-il ? Reconnaissez vos limites et prenez conseil en temps opportun auprès du CPMS ou orientez l’élève vers les spécialistes.

3. Examinez les solutions possibles. Quelle peut être la contribution du corps enseignant et vers quel endroit vaut-il mieux réorienter l’élève ? Des modèles d’identification peuvent jouer un rôle important : d’autres jeunes gays et/ou lesbiennes, mais peut-être aussi un(e) enseignant(e) LGBT.

4. Evitez un coming-out forcé dans la classe (sous la pression des compagnons de classe ou de l’enseignant lui-même). N’empêchez pas le coming-out, mais veillez à ce qu’il se produise dans une ambiance positive. Veillez aussi à ce qu’après un tel coming-out, l’accueil individuel en dehors de la classe se déroule de manière optimale.

5. Impliquer les parents n’est raisonnable que si l’élève marque lui-même son accord. Les groupes de « parents d’enfants homosexuels » peuvent apporter leur aide (on peut demander des adresses)

6. Parce que les gays et les lesbiennes ne sont pas acceptés dans la société, on peut parfois s’attendre à la situation inverse : il se peut qu’un élève LGBT fasse semblant en classe de ne pas être intéressé par le sujet pour prévenir tout soupçon. Soyez vigilants.

7 par exemple via le service social de Tels Quels, voir www.telsquels.be, ou par la Rainbowhouse, voir http://www.rainbowhouse.be/fr/index.htm. (Note du traducteur).

L’approche de l’homosexualité en milieu scolaire exige une politique d’école claire.

C’est seulement alors :
- que les initiatives individuelles des enseignants ne resteront pas isolées
- que l’équipe des enseignants travaillera dans la même direction
- que les professeurs pourront s’entraider, se communiquer leurs expériences, coordonner leurs initiatives.

- Un plan d’action

- 1. Motiver. Tous à l’école sont persuadés qu’il est raisonnable et nécessaire de mettre en place une politique globale contre le harcèlement, les drogues et la violence . Est-ce que cela vaut aussi pour l’homosexualité ?

- 2. S’attaquer à l’homophobie. Que savent la direction et les enseignants de l’homosexualité ? Faites un tour d’horizon des préjugés et des résistances chez les différents acteurs de l’école (la direction, les enseignants, les élèves, les parents). Mettez un plan d’action au point avec des spécialistes pour évincer les résistances. N’oubliez surtout pas les parents. Les enfants réagissent souvent négativement à cause de leur environnement : « Mon père trouve cela dégueulasse ».

- 3. Créer un climat d’école bienveillant. Une école qui met sur pied un accompagnement sérieux des élèves accorde aussi de l’attention aux gays et aux lesbiennes. Dans le plan d’accompagnement, l’école formule ce qu’elle va précisément faire, qui sera impliqué et quelle structure l’école va mettre en place (enseignants de référence, service de médiation, etc.). Aux valves on peut parmi toutes les autres affiches placer par exemple une affiche pour une ligne téléphonique d’entraide LGBT ou pour un groupe de jeunes LGBT. C’est ainsi qu’une école peut montrer qu’elle ne fait pas un problème de la préférence sexuelle.

- 4. Une direction du personnel bienveillante. L’école montre-t-elle le bon exemple ? Les enseignants gays et lesbiens peuvent-ils dévoiler leur nature sans que cela prête à conséquence ? Le coming out d’un enseignant offre un tas de perspectives : il offre aux élèves la possibilité d’ un modèle auquel s’identifier , il peut entraîner une attitude positive de la part des élèves, il conduit à plus de tolérance et d’acceptation.

AU NIVEAU DE L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE

Les professeurs prennent soin du bien-être de tous les élèves de la classe, et donc aussi les élèves LGBT. Il est également important que les enseignants fassent des efforts pour déraciner l’homophobie chez les élèves hétérosexuels. Comment les enseignants peuvent-ils atteindre ce but ?

- 1. Une approche intégrée Ne discriminez pas l’homosexualité quand vous faites cours. Chaque fois qu’au cours d’une leçon il est question de sexualité ou de formation à la relation, la question de l’homosexualité peut elle aussi être abordée. Non comme un cas à part, mais en même temps que la variante hétérosexuelle. Si par exemple un professeur de français demande à une classe de garçons de faire la description de la femme idéale, il faut que les élèves gays puissent aussi décrire leur homme idéal. A l’école primaire, si une leçon se donne sur le thème de la famille, on peut aussi mentionner des familles avec deux mamans ou deux papas.

- 2. Une approche globale Un changement d’attitude ne sera possible que si l’approche de l’homosexualité ne reste pas limitée aux seuls cours de religion ou de morale. De même que le milieu, la santé, le multiculturalisme, la sexualité et la relation sont des thèmes pluridisciplinaires, cela vaut aussi pour l’homosexualité. Dans l’énoncé d’un problème mathématique, il peut aussi être question de deux hommes qui décident d’aller vivre ensemble. Un professeur de néerlandais peut placer sur la liste des livres recommandés un livre qui traite du thème de l’homosexualité. En classe de biologie, on peut évoquer le comportement homosexuel chez les animaux. En géographie, l’enseignant(e) peut parler de la formation des ghettos homosexuels dans les grandes villes américaines.

- 3. L’ approche spécifique L’homosexualité diffère de l’hétérosexualité parce qu’elle n’est pas acceptée. De là vient la nécessité d’y consacrer des leçons spécifiques : fournir des informations, réfuter les mythes et les images stéréotypes, discuter sur les discriminations.

AU NIVEAU DE LA CLASSE

L’attitude des membres du corps enseignant : quelques questions prioritaires :

- Faites de l’homosexualité un sujet que l’on peut aborder librement de manière positive. Connaissez vos propres normes, principes et valeurs (n’admettez pas de blagues stupides sur les homos). Les enseignant(e)s qui harcèlent les élèves gays et les lesbiennes ouvrent la voie au harcèlement de ces mêmes élèves par les autres élèves.
- Donnez des informations correctes et combattez les préjugés. Et pour ce faire, informez-vous suffisamment : les informations partielles consolident souvent les préjugés. Si vous ne savez pas la réponse à une question, admettez-le simplement.
- Employez une langue qui corresponde à celle des élèves. Au besoin n’ignorez pas le langage grossier (« tante, tapette, pédé , jeannette, gouine, etc. »). Le langage grossier peut être l’occasion d’une bonne conversation. Sortez le sujet de la sphère du tabou.
- Reconnaissez la manière de voir les choses des élèves et prenez-les au sérieux. Mais essayez dans le même temps d’élargir leur horizon et de l’approfondir. Que pensent exactement les élèves ? Pourquoi ? Comment savent-ils que ce qu’ils avancent est juste ? Pensent-ils que tout le monde pense comme eux ?
- Essayez d’infléchir les attitudes de rejet. S’il y a une ambiance homophobe dans le groupe, faites contrepoids, créez un espace pour le point de vue LGBT. Invitez des personnes LGBT dans la classe.
- Faites prendre conscience des causes sociétales des attitudes de rejet et situez le combat des gays et des lesbiennes pour l’égalité des droits. Tous les objectifs ne sont pas faciles à réaliser. Il vous faudra bien sûr tenir compte de la composition et de l’attitude du groupe. Mettre trop la pression sur un objectif pour lequel le groupe n’est pas prêt peut être contreproductif. D’un autre côté, ne sous-estimez cependant ni le rôle d’exemple que jouent les enseignants ni la bonne volonté et la capacité d’’ouverture au changement des élèves.

- Gays et lesbiennes à l’école fondamentale ? Quelques tuyaux

- A l’école fondamentale, il y a souvent suffisamment d’occasions pour évoquer l’homosexualité : des enfants avec deux papas ou deux mamans, les insultes à la cour de récréation (« pédé, tapette »), les schémas comportementaux (« les garçons qui font du ballet sont des pédés »), des gays ou des lesbiennes connus et médiatisés. Faire le silence sur l’homosexualité ne va pas l’empêcher de se produire
- Souvent les jeunes enfants n’ont pas encore de préjugés. Les enseignant(e)s peuvent leur apprendre à se familiariser avec les différences : un enfant avec des lunettes, un bégayeur, un enfant aux cheveux roux. Les gays et les lesbiennes sont aussi différents et méritent le respect.
- Expliquez que les personnes LGBT sont des personnes tout à fait normales et qu’il se fait que ces personnes aiment des personnes du même sexe. Expliquez aux enfants que plus tard il se peut qu’ils rencontrent des gays et des lesbiennes à la maison, dans leur famille, leur cercle d’amis ou au travail.
- A l’école fondamentale, il y a aussi des enseignant(e)s homosexuel(le)s. Est-ce qu’elles ou ils ont l’occasion de se manifester tels qu’elles ou ils sont ?
- Les élèves mûrissent de plus en plus tôt. La plupart des personnes gaies et lesbiennes ont senti dès l’école primaire que quelque chose d’autre se produisait en eux/elles. Un professeur qui ne désigne pas le fait d’être homosexuel comme un problème fait pour eux/elles la différence.
- Il existe pas mal d’outils pédagogiques (jeux, littérature pour la jeunesse) qui permettent d’évoquer l’homosexualité.

Un directeur d’école : « Je mène une double vie » « Je trouve très chouette que beaucoup de jeunes enseignant(e)s osent et puissent manifester au sein de leurs écoles qu’ils/elles sont homosexuel(le)s. Pour moi c’est hélas impossible. Au sein de mon pouvoir organisateur, il est impensable de parler librement de mon homosexualité. Aussi suis-je obligé de mener une double vie et mes relations restent-elles secrètes, cela doit rester à l’écart du domaine public. »

Ciska, 19 ans Un sur dix, c’est absurde « Je sais que je suis lesbienne depuis ma cinquième secondaire. Un jour on a parlé d’amour et de sexualité en classe. Il y avait constamment des débats en classe. Mais ils concernaient seulement les relations hétérosexuelles. Un jour, il y a eu un petit chapitre consacré à l’homosexualité. Une leçon très théorique. Pas de débat, on a dû gratter comme des fous. Je n’oublierai jamais que la prof était persuadée que le chiffre de « un sur dix » ne pouvait pas être exact, parce qu’alors cela signifierait qu’il y en avait au moins deux dans la classe et c’était quand même tout à fait absurde n’est-ce-pas. Je suis restée dans l’ombre et me suis tue. »

« On ne parle quand même pas de choses comme ça »

Voici une sélection de mentions de discriminations qui sont arrivées à la Fédération Holebi :

- Suite à des tracasseries, une lesbienne a dû partir de l’école, les professeurs et la direction n’ont pas réagi aux violences psychiques et physiques qu’on lui a fait subir.
- Il est interdit à un garçon de voir son ami à l’internat, l’éducateur estime « qu’il doit avoir des relations avec des filles et qu’il n’y a pas un homo qui rentrera au foyer (local de réunions) ».
- Avant sa nomination par le P.O., un professeur a dû rendre des comptes à son pouvoir organisateur sur son engagement dans un groupe local de jeunes gays et lesbiennes.
- Après le coming out d’un (e)élève, des professeurs ont propagé des préjugés sur les gays et les lesbiennes.
- Un élève d’une sixième secondaire a reçu un zéro pour une rédaction sur les événements des vacances dans laquelle il avait rédigé un compte-rendu des activités d’un groupe de jeunes gays et lesbiennes. Selon la professeure de néerlandais « on ne peut quand même pas traiter un sujet comme celui-là dans une rédaction ». Ce tableau d’affichage est modéré par la rédaction de Klasse.

« Salut. Si un professeur désire inviter quelques jeunes pour témoigner en classe, c’est possible ! En Flandre il y a un grand nombre de groupes de jeunes gays et lesbiennes. Vous trouverez leurs coordonnées sur le site www.weljongniethetero.be [jeune, mais pas hétéro, Ndt]. Je suis moi-même actif au sein du groupe hasseltois « Inderdaad » [En effet, Ndt]. La semaine passée, avec deux autres jeunes, nous avons dû témoigner devant une classe de 60 jeunes…ce fut une expérience très très chouette ». Luk, le 29-11-2004

« Je suis la mère lesbienne d’une petite fille de 8 ans. Elle sait de quoi il retourne avec sa maman et n’en fait pas un problème. Mais ce fut cependant un vrai soulagement pour elle lorsqu’elle a entendu que l’ « homme de sa maîtresse était une femme ». Depuis lors elle parle beaucoup plus librement de ma nature et elle défend sa maîtresse bec et ongles lorsqu’elle entend que d’autres enfants ne l’acceptent pas. Je suis extrêmement reconnaissante à sa maîtresse qu’elle ait fait le grand pas de se montrer ouvertement telle qu’elle est à l’école. Ma reconnaissance va naturellement aussi à l’école qui l’a soutenue. Cette dame a ainsi fort aidé des enfants comme ma fille, et certainement celles qui en elles mêmes commencent à découvrir qu’elles éprouvent tout de même pas mal de sentiments pour les filles. Sa maîtresse est très aimée à l’école, et donc le fait d’être lesbienne n’est pas pour elle synonyme d’isolement social, de double vie, de chagrin… Il est à espérer que d’autres enseignant(e)s auront l’occasion d’apporter de cette manière leur contribution au développement des enfants, un développement qui en fait des jeunes gens heureux de vivre. » M.L. , 7-11-2004

« Je n’en sais rien, mais d’après moi je suis bi, car je me sens parfois très attirée par des filles. J’ai 14 ans, et je suis très peu sûre de moi, mais en fait je ne sais pas du tout, est-ce qu’il y en a d’autres avec ce ‘problème’ ? » anonyme 6-8-2004

- En août 2005, il y avait 11 courriels publiés, dont certains sont traduits ci-dessous (Ndt)

Tableau d’affichage : le forum de Klasse « Dans notre école je ne connais qu’un enseignant qui soit homo. Il a dans la vingtaine et il se débrouille très bien avec les élèves. En général on ne fait pas de problèmes autour de son homosexualité. Cela devrait être partout comme ça, je suis sûre qu’il y a encore d’autres enseignant(e)s qui sont homos mais qui n’osent pas le manifester face aux autres enseignants et aux élèves parce que peut-être ils ont le sentiment d’être ‘différents’. (…) mais les gays et les lesbiennes sont plutôt bien acceptés dans notre société, (…) Attendez un peu et vous verrez qu’un beau jour les gays et les lesbiennes seront sûrement bien acceptés par la société. » Evi 21-05-04

« Je trouve ce dossier sur les personnes LGBT extrêmement intéressant et heureusement notre école est une école très ouverte à ce sujet. Il faut le souligner : la direction soutient entièrement le fait que cette thématique puisse être abordée librement, mais la plupart de mes collègues sont si encroûtés dans leurs vieux schémas éducationnels (et là je ne parle pas seulement au sujet des collègues plus âgés, parce que ceux-là sont parfois plus souples que les plus jeunes) que ce n’est pas toujours facile pour la direction de porter le sujet. Heureusement il y a un cercle de professeurs qui soutiennent toutes les initiatives. Que puis-je faire pour convaincre mes collègues que ce type de thématiques est important dans l’éducation, alors qu’ils s’obstinent à prétendre que les élèves sont là pour apprendre (…) des choses comme les mathématiques, la physique et la chimie (…) ? ». M.C. 13-05-04 »

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