Depuis deux ans, une société de production rennaise porte un projet – un film d’animation poétique pour aborder les relations amoureuses entre personnes du même sexe auprès des enfants de CM1 et CM2 – qui fait désormais face à une levée de boucliers.
Les oppositions au Baiser de la lune ont commencé en décembre dernier. Pour financer ce film, le producteur et réalisateur, fait appel mi-janvier à des partenaires institutionnels, mais aussi à une souscription publique.
Quelques jours plus tard, un appel à pétition intitulé « Halte aux incitations homosexuelles dans les écoles primaires » est lancé sur le site du journal Les 4 vérités. Cet hebdomadaire de droite libérale estime que « l’intégrité mentale (des enfants) est menacée par ce genre de projet, avec la complicité active de la puissance publique ».
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Si des voix se sont élevées contre cette initiative, d’autres sont venues la soutenir. Ainsi, même si elle souhaite « prendre beaucoup de soins », l’inspection d’académie suit toujours le projet. La Ligue nationale d’enseignement se dit toujours « très intéressée pour soutenir le projet et le diffuser à un niveau national ».
Le producteur-réalisateur a d’ailleurs reçu « de très beaux retours et des encouragements ». Finalement, pour Sébastien Watel, à l’heure ou le tournage commence, cette polémique « ne handicape pas le projet ». Le réalisateur va même plus loin, estimant que « c’est toujours intéressant pour un film de soulever des questions et de provoquer le débat ».
Quant au film, voici le synopsis que l’on peut lire sur le site officiel du film : « Prisonnière d’un château de contes de fée, une chatte, « la vieille Agathe », est persuadée que l’on ne peut s’aimer, que comme les princes et princesses.
Mais cette vision étroite de l’amour est bouleversée par Félix, qui tombe amoureux de Léon, un poisson-lune, et par la lune, amoureuse du soleil : deux amours impossibles pour « la vieille Agathe ».
Pourtant, en voyant ces couples s’aimer, librement et heureux, le regard de la chatte change et s’ouvre à celui des autres. C’est ainsi qu’elle quitte son château d’illusion et se donne enfin, la possibilité d’une rencontre… »
Une récente étude de l’IGAS sur l’éducation sexuelle, montre que le minimum éducatif fixé par les textes est très rarement atteint. On peut douter que, dans ce contexte, un sujet aussi tabou que l’homosexualité, ait des chances d’être abordé avec la fréquence nécessaire en classe à l’école.
Cela étant, rien ne justifie l’opposition ministérielle devant la création d’outils pédagogiques ayant trait à l’éducation sexuelle qui n’est qu’une question d’amour. On parle bien plus de guerres en histoire que d’amour dans les établissements scolaires. On doit s’interroger sur ce tabou de l’éducation sexuelle.
Le Snuipp remarque justement que "la société jette un regard nouveau sur l’homosexualité et l’homoparentalité, et l’école ne doit pas être en retard".
Il existe un véritable écart entre la norme sociale et celle de l’Ecole. Nous pouvons faire l’hypothèse que ce qui pose problème à l’Ecole ce n’est pas tant la reconnaissance de l’homosexualité que celle de la place du corps, en général, dans la vie scolaire. Nous savons de quelle manière la tradition scolaire française s’est construite sur le mépris des fonctions corporelles. Par ailleurs, l’école n’accorde pas beaucoup d’estime à l’affectivité, à l’expression des sentiments et à l’épanouissement. N’est-elle pas barricadée dans une vision rationaliste qui l’a fondée mais qui se révèle aujourd’hui bien inadéquate, contraire aux évolutions de notre monde dont les usages, les normes, les pourtours sont fluctuants !