Que nous l’admettions ou non, nous sommes influencés par les stéréotypes. Si la société et la publicité contribuent à leur diffusion, c’est aussi le fonctionnement de notre cerveau qui nous pousse à tout catégoriser.
Pourquoi ? Parce que le réel est trop vaste, trop complexe pour l’appréhender. Du coup, il faut le découper en catégories de manière à mieux le saisir. mieux le comprendre. Il faut opérer des sélections. Former des catégories, procède des activités cognitives élémentaire de tout individu. Face à un nouveau réel, nous comparons, différencions, repérons divers paramètres de façon à effectuer des mises en relations logiques. Il faut classer les choses et ensuite les relier, délier ou reconstruire un réseau cognitif. Le meilleur exemple de la pensée catégorielle est la carte mentale. Toutefois, l’opération de catégorisation n’est pas sans conséquence. Les individus sélectionnant, filtrent l’immense quantité d’information qui leur provient de l’environnement et simplifient leur traitement, en ignorant certaines dissemblances et en exagérant les ressemblances. Catégoriser conduit à des rigidités, des enfermements, des lacunes systémiques : on ne reconstitue pas toujours un Tout, une synthèse d’éléments épars. Du coup, en bien des cas, la catégorisation crée du stéréotype, de la pensée économe et rigidifiée. Elle peut manquer de plasticité.
Ainsi, la catégorisation produit de la pensée stéréotypée. Imaginons : vous assistez à une soirée d’anniversaire et que vous ne connaissez personne. Vous scrutez l’assistance pour trouver avec qui engager la conversation. A votre gauche, vous voyez une jeune fille blonde, très maquillée et habillée d’une robe très moulante. Vous vous dites spontanément qu’elle ne doit rien avoir à dire. A votre droite, vous observez un homme qui arbore un T-shirt d’un club de football. Vous vous dites que vous n’aimez pas les supporters de foot. En quelques minutes, vous vous êtes forgé une idée sur ces personnes, qui est fondée sur leur apparence et sur des stéréotypes. Par exemple, les blondes sont superficielles, les supporters de foot sont idiots. Nous ne pouvons nous empêcher de juger autrui d’un coup d’oeil même si nous avons largement honte de fonctionner de telle sorte.
Les stéréotypes sont des croyances sur un groupe social qui sont souvent partagés par le plus grand nombre. Par exemple les femmes n’ont pas le sens de l’orientation, les pompiers sont beaux et musclés, les français sont gastronomes et romantiques… Ce sont des affirmations plus ou moins fausses mais surtout très générales. Les préjugés, quant à eux, appliquent un jugement souvent négatifs. Et ils peuvent du coup conduire à une discrimination. Tout le monde connaît la plupart des stéréotypes. On n’y adhère pas forcément mais chacun contribue d’une manière ou d’une autre à les diffuser. S’ils sont si répandus, c’est à cause du fonctionnement de notre cerveau.
Cette fabuleuse machine, faite de neurones, ne peut pas traiter immédiatement tout le flot d’informations dont elle est bombardée. Elle doit là aussi opérer des sélections. Elle va travailler vite et se montrer efficace. Nous avons un peu l’habitude de généraliser sans tenir compte de détails. Par exemple, si nous entendons le mot "oiseau", nous visualisons un merle, une mésange, des oiseaux qui sont plus présents dans notre quotidien. Nous pensons rarement à un manchot. On peut dire que le cerveau fonctionne à l’économie. Il développe des stratégies, dont celle de la catégorisation sociale. Lorsque nous croisons un inconnu, nous faisons appel aux modèles existants qui sont stockées dans notre cerveau : le sexe, la manière de s’habiller ou de parler, la classe sociale… Nous classons les personnes dans des catégories et y associons les caractéristiques inhérentes. Ainsi, à partir de très peu d’informations, on prédit le comportement d’autrui, on lui attribue des comportements, des pensées, des usages. Ce qui permet d’économiser du temps et de l’énergie pour le cerveau au quotidien. Mais cette stratégie présente un effet collatéral : l’apparition de préjugés. Nous avons tendance à gommer les spécificités des individus n’appartenant pas à notre groupe. On a également tendance à généraliser l’individu au groupe. Par exemple, à l’étranger, si un serveur ne rend pas exactement la monnaie, nous avons tendance à considérer que tous les habitants de ce pays sont malhonnêtes…
Notre cerveau se spécialise tellement, il catégorise tellement qu’il distingue mal les différences inter- individuelles, les visages non familiers. On peut ainsi dire que tous les asiatiques se ressemblent si nous sommes blancs. Et les asiatiques font le même genre de confusion. Les stéréotypes influent sur le jugement. Nous avons tendance à chercher chez autrui ce que l’on souhaite trouver. Des expérimentations en psychologie sociale l’ont prouvé. Résultat, nous détectons et assimilons mieux une information qui va dans le sens du stéréotype. Le plus souvent, nous sommes même pas conscient de l’influence d’un préjugé : Les stéréotypes s’activent automatiquement.
Si certains stéréotypes restent anodins, il en existe beaucoup qui peuvent empoisonner les relations avec autrui, provoquer de l’exclusion sociale. Dès trois ou quatre ans, les enfants sont influencés par les stéréotypes, Comme le révèle une expérience américaine des années 1970, maintes fois reproduite. Un expérimentateur montre à des petits enfants des dessins représentant des enfants noirs et blancs identiques, hormis la couleur de peau et leur pose cette question : L’un des deux a vu un chaton tomber dans un lac et il l’a sauvé, lequel ? En majorité, les enfants blancs désignent les enfants qui leur ressemblent. Il semblerait que l’on a besoin de détecter le danger précocement, donc de reconnaître rapidement ce qui n’est pas familier, expliquent les chercheurs. Les enfants s’identifient naturellement aux membres de leur propre groupe. Une institutrice québécoise avait mené une expérience en 2006 avec ses élèves : Elle avait affirmé à ses élèves que, d’après les recherches scientifiques, les petits sont plus intelligents, plus créatifs, plus soignés que les grands. Elle alors imposé aux grands de porter un dossard, et à l’inverse, les petits ont joui de privilèges comme une heure en plus de luge à la récréation. En deux heures à peine, les enfants ont intégré cette différenciation : Les petits se moquaient des grands, les deux groupes ne jouaient plus ensemble et quand ils devaient se mettre en rang, ils se séparaient en deux lignes. Dans cette expérience, tout est rentré dans l’ordre une fois que l’institutrice a dévoilé la vérité aux élèves. Ainsi se révèle la puissance des préjugés et des stéréotypes. Une puissance à laquelle il est difficile d’échapper quel que soit l’âge.
Il est compliqué d’atténuer les stéréotypes mais cela n’est pas impossible si on est conscient d’être influencé par des stéréotypes. Prendre du temps, se mettre à distance permet de réfléchir. Plus on prend d’informations plus se dilue le stéréotype. Pour décoller les étiquettes, le meilleur moyen reste de multiplier les contacts avec les victimes des préjugés, fréquentez les personnes différentes, poursuivre un but commun, faire des choses communes, Tout cela permet de limiter des idées reçues. Mais ça demande du temps et une profonde remise en cause de soi. Souvent nous préférons penser de manière économique en se disant qu’il existe des exceptions à la règle. Des études montrent que plus le niveau de préjugés est élevé, plus il sera difficile de les juguler. Raison de plus pour déjouer le plus de stéréotypes possibles dès le plus jeune âge à l’école et en famille. Et demeurer conscient de ce prisme catégoriel de la pensée humaine ainsi que de son fonctionnement à l’économie. L’intelligence de la réflexivité est toujours une lutte conte la facilité !